samedi 2 mars 2013


Les quelques romans de Laura Kasischke que j’ai lus et dont je n’ai pas encore parlé

    Il y a quelques mois, ma maman –qui a toujours une énorme longueur d’avance niveau lectures et découvertes, et dans la bibliothèque de laquelle je pioche plus volontiers que sur n’importe quelle table de sélection de libraire- m’a fait découvrir cette auteur américaine, qui a publié un certains nombre de romans. Elle y met en lumière la vie aux Etats-Unis avec une certaine finesse, et a un talent particulier pour rendre compte de sentiments adolescents. Elle a en cela quelque chose de Joyce Carol Oates, sans la puissance démiurgique. Elle me semble, en quelque sorte, secrétaire de la vie de banlieue de femmes et d’adolescentes des Etats-Unis modernes, en proie toutefois à des situations qui n’ont rien de très banal… Une secrétaire qui aime plonger ses personnages, tout droit sortis de la vraie vie, dans des situations qu’on ne rencontre pas aisément dans cette « vraie vie » (et heureusement), et qui cependant n’ont rien d’impossible. En bref, la situation initiale est plausible, la fin des romans fait froid dans le dos. Voilà l’espèce d’équation que j’ai pu déduire de la lecture de trois romans de Laura Kasischke (dont je vous mets au défi d’épeler le nom !) : Un oiseau blanc dans le blizzard, A moi pour toujours, et le dernier en date (pour moi) En un monde parfait. Concernant la cohérence de son œuvre, au vue du peu que j’en connais, je peux déjà vous donner un indice : les titres ne sont pas choisis au hasard, et on se rend compte à la fin de la lecture à quel point cette fin incroyable et inattendue nous était presque donnée à travers le titre…
Chacun de ces romans met en scène une femme au destin brisé ou en passe de l’être, entourée d’adolescents dont l’évolution sera plus ou moins au centre de l’intrigue.


    Venons-en au premier que j’ai lu, à savoir Un oiseau blanc dans le blizzard. Maman me l’avait présenté comme un espèce d’ovni, ni polar ni simple roman de mœurs, un livre inattendu qui pourtant, à ma grande surprise, commence d’une manière somme toute assez classique : une mère de famille de la banlieue new-yorkaise, agacée par époux, fille et ménage, disparaît. On pense qu’elle a pris le large… et pourtant, il n’en est rien, comme nous le découvrons avec stupeur à la fin. Je ne peux toutefois pas me permettre de vous la dévoiler cette fin ; elle m’a trop surprise, voire bouleversée. Cependant, je vais malgré tout l’évoquer en bas de page, afin que ceux qui voudraient voir ma théorie de l’équation illustrée puissent trouver satisfaction. Ceci étant dit, on peut s’attendre à beaucoup de choses de la part de cette intrigue. Plusieurs points de vue s’offraient à l’auteur et personnellement, je m’attendais à ce que nous soit contée la fuite de la mère, ses retrouvailles avec la liberté, le vent de la liberté, des hommes, de la jeunesse perdue. Mais pas du tout. C’est en réalité la vie de sa fille et de son époux, après sa disparition, qui sont le cœur du roman. Sa fille qui a un petit ami que la mère trouvait à son goût ; cette même fille dont on suit l’évolution pendant trois ans, trois ans sans mère mais finalement sans joug, libre de devenir jolie, féminine, même de chiper les vêtements de cette mère souvent détestée (elle est semble-t-il partie sans rien). Son époux, qui est au début totalement perdu, retrouve l’amour, la liberté. Finalement c’est bien de liberté dont il est question, mais pas celle qu’on aurait pu attendre. Voilà en quoi cette auteur surprend : elle nous emmène dans des directions que l’on n’aurait pas forcément soupçonnées, elle nous surprend à chaque page ou presque, et au bout d’un moment, on finit par se dire que quelque chose cloche… Surtout que la mère ne revient jamais… Mais stop, j’en ai trop dit pour ceux qui ne voulaient rien savoir ! Les autres, je vous renvoie comme prévu en bas de page.

    J’ai acheté moi-même le second roman, forte de cette première expérience et des informations que j’avais pu glaner sur ses romans ici et là. J’avoue l’avoir acheté par pure symbolique au début : en effet, la couverture représente un cœur de Saint-Valentin, et nous étions le 13 février. Pur sentimentalisme donc, pour finalement découvrir encore une fois une intrigue inattendue – bien qu’un peu moins que celle qui précède. Dans A moi pour toujours, locution amoureuse qui, les lecteurs le constateront- n’a rien de bien romantique, l’histoire commence par un billet doux dans un casier de la Faculté de Lettres. Notre héroïne, épouse, mère et professeur de fac ayant dépassé la quarantaine, croit donc avoir un admirateur secret… S’ensuivent des tas de situations rocambolesques - teintées cependant d’un certain trouble- mettant en scène la meilleure amie, le mari, le fils, et les amants potentiels. Jusqu’au jour où elle rencontre vraiment un amant, mais ce n’est pas celui des billets… Où nous emmène-t-on encore ? Enfin maintenant, on l’aura compris, avec cette auteur c’est la question qu’il ne faut même plus se poser. Je laisse le plaisir à ceux qui le souhaitent de découvrir la surprenante résolution de cette étrange parenthèse de vie.

    Le dernier roman en date dans mes lecture est En un monde parfait. L’atmosphère en est d’autant plus surprenante que nous sommes plongés dans les années 2030-2040, en pleine apocalypse. Les Etats-Unis sont touchés par une espèce de grippe, qui dissémine la population telle une épidémie de peste. Mais comme rien n’est en apparence cohérent avec Laura Kasischke, il n’est pas question de décrire le chaos, mais de parler d’amour. Une jeune hôtesse de l’air de trente ans, célibataire endurcie, épouse le commandant le plus séduisant du ciel, rendant jalouses toutes ses collègues. Seule ombre au tableau : cet homme et veuf et a trois enfants, dont le plus jeune a 9 ans. Nous allons donc suivre au fil du roman l’évolution des relations entre la jeune belle-mère et ses beaux-enfants, et particulièrement celle avec les belles-filles, qui ne sont pas toujours tendres… Mais comment tout cela peut-il évoluer en plein chaos ? C’est ce que l’on découvre avec une espèce d’impatience tout au long des pages. Le roman devient alors une sorte d’hymne à la cohésion, au partage, au retour aux vraies valeurs. Sans cependant tomber dans la niaiserie. Du grand art je trouve.

Pour ceux qui le souhaitent : la situation finale des romans !

L’oiseau blanc dans le blizzard, en réalité, n’est rien d’autre que le corps de la mère qui repose depuis trois ans dans le congélateur de la cave, soigneusement déposé par l’époux dévoué mais totalement bridé. Troublant n’est-ce pas !
A moi pour toujours, c’est finalement ce que souhaite en quelque sorte un fils pour sa mère. En effet ce dernier n’hésite pas à tuer un de ses camarades qu’il soupçonne d’être l’amant de sa mère… Une fin encore une fois inattendue, un peu tirée par les cheveux selon moi, mais qui a le mérite de surprendre !
Le monde parfait du dernier roman n’est autre que celui d’une apocalypse auquel la nouvelle famille survit, en l’absence du père et grâce à la pugnacité de Jiselle, notre héroïne. Et le tout sans niaiserie, promis !

1 commentaire:

  1. Bonjour Saleandre,

    J'ai découvert cette auteure récemment moi aussi, mais je n'ai pas lu les mêmes titres que toi. J'ai commencé avec "La vie devant ses yeux", qui m'a un peu déçue, pour continuer avec "A suspicious River" (celui que je préfère pour l'instant) et "La couronne verte". Et c'est vrai que l'on y retrouve cette constante que tu évoques : l'introduction dans un quotidien a priori banal et heureux d'un élément qui fait basculer le récit dans l'horreur..
    Suite à ton billet, "Un oiseau blanc..." me tente bien, je le note..

    A bientôt.

    RépondreSupprimer