mardi 1 mai 2012

Pennac était un corps



Journal d’un corps, Daniel Pennac

Au XVII siècle, le moi est haïssable ; au XVIIIème, parler de soi est tabou. Au XIXème et au XXème, les autobiographies fleurissent. Au XXIème siècle, le corps s’exhibe, et ce jusqu’en littérature. 

Pennac exhibe son corps face au lecteur. Enfin que dis-je, son corps, pas vraiment, plutôt celui d'un personnage qui tient le journal de son corps, un freluquet qui devient un écorché, un athlète des encyclopédies, et surtout un personnage qui finalement meurt. Donc ça ne peut être Pennac, ce corps en exposition. Mais pourtant...

Ce corps, il le fait venir sur le devant de la scène, il le fait (de)venir obscène. Pas du tout dans un sens péjoratif, pas du tout trivial, grotesque. A travers cette autobiographie d’un genre nouveau, véritablement BIO, puisqu’il s’agit bien du corps, l’auteur de Chagrin d’école et de La petite marchande de prose nous fait voir une nouvelle facette de lui, ou plutôt change l’angle d’observation. Loin de l’autobiographie traditionnelle où il est question des topoï de l’enfance, des grands bouleversements sentimentaux, de divers traumatismes psychologiques, Pennac nous livre ici, année après années, les bobos de son corps et toutes les jouissances physiques qui, deux face d’une même médaille, ponctuent l’existence humaine. 

Sa jeunesse (ou celle de son "héros qui parle de son corps à travers le je", mais je n'y reviendrai pas!- a été plutôt fleurissante, avec des moments de découverte et moult bobos, dont un récit de grève de la faim assez spectaculaire. La vie au pensionnat est quant à elle riche d’évènements burlesques et d’inventions hilarantes, tel que le jeu de loi du dépucelage, dont je me souviens encore deux mois après ma lecture. Vous avez sans doute également eu connaissance par un média ou un autre du fameux passage de l’équilibriste, autrement dit la description de l’explosion jouissive qui ponctue en finale la masturbation. 

Avec les années, le corps ne change plus mais devient plus vulnérable. Finies les immenses jouissances, finies les grands écarts de conduite et les embardées chevaleresques ; on vieillit, le corps aussi (surtout lui peut-être…). Il y a le nodule dans le nez, les saignements, les acouphènes, bref, tous les bobos de la vieillesse. Super quand on a vingt-deux ans que de savoir de quoi sera fait l’avenir de notre corps !
Bon en tout cas un point commun avec l’autobiographie traditionnelle : on pleure, on rit, on souffre, on jouit. Par le corps certes, mais les sentiments sont là également. En creux il y a aussi bien entendu des histoires d’amour (ou plutôt de fesses), des histoires de familles (ou plutôt de décès et de chutes dans le jardin), des histoires de cauchemars et de rêves (autrement dit de sueurs froides et d’éjaculations nocturnes). Par le corps, l’homme. On en revient toujours au même, même si le biais est différent. Et quel biais ! Une autobiographie déconcertante, un peu moins alléchante à la lecture que ne laissait présager le concept peut-être, mais un très bon souvenir.



2 commentaires:

  1. J'avais oublié le jeu de l'oie du dépucelage en faisant ma revue, mais oui... Un moment qui m'avait bien fait rire !
    Il faudra que je lise La Petite Marchande de Prose maintenant...

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    1. Oui il faut lire les Mallausène, c'est une série géniale :)

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