vendredi 23 juin 2017

La Terre qui penche, Carole Martinez

La terre qui penche, Carole Martinez

Il va être difficile de parler de ce livre, ou du moins d'en parler à sa juste valeur; de faire un article qui soit à la hauteur de la qualité de ce nouveau roman de Carole Martinez. Quoi qu'il en soit je vais me lancer, pour rendre hommage à cette superbe lecture. 

Blanche la jeune et Blanche la vieille, la petite fille et la vieille âme dialoguent. L'une est dans la tombe, l'autre dans la vie, l'une dans le présent, l'autre dans le passé, au XIVème siècle pour être exact. A travers ces deux voix se dessine l'histoire de Blanche, une jeune fille que son père a confiée en épousailles au château voisin après la grande Peste afin de la marier. Elle traverse la forêt, revêt de beaux habits pour rejoindre son promis, un jeune garçon lui aussi. Et puis une fois arrivée dans la cour des Murmures, nombre d'aventures l'attendent dans ses alentours : des tournois, un séjour chez une vieille sorcière, la rencontre avec un beau jeune homme et j'en passe. Ces épisodes pittoresques servent de toile de fond à des découvertes plus précieuses : les origines de son père, et celles de sa mère. Son père qui est loin d'être l'homme bougon et dur qu'il fait paraître. 

Avec cette plume exceptionnelle et poétique qu'on lui connaît, Carole Martinez nous emmène dans l'univers médiéval qui avait aussi été celui de son précédent roman, du Domaine des Murmures. La rivière, la forêt, la Grande Peste sont des entités vivantes, parfois malfaisantes, parfois sources de vie et de découvertes. Au rythme des ballades médiévales et autres lais, on suit les aventures de Blanche, en quête du passé de ses parents et finalement d'elle-même. Magie, poésie, contes, truculence et violence se côtoient dans ces pages, autant de fils entrecroisés par Blanche afin de reconstituer son histoire. Encore une fois la métaphore de la couture, inaugurée dans Le Coeur Cousu, est au centre de ce roman magique. Blanche rêve de tisser sur sa petite chemise son nom, au fil rouge. Et s'il ne lui en reste plus assez, elle prendra ses cheveux. Une belle image, un méta-texte encore une fois, comme pour finir de me convaincre !

En plus de la qualité du style et de l’envoûtante histoire de Blanche, une fresque pittoresque du Moyen-Age se déploie. Dans ce roman à la frontière du conte et de la poésie, la violence et le prosaïsme du quotidien ont une part non négligeable : la dureté de la condition de la femme, la mort omniprésente, le manque de soins, d'hygiène, de respect pour cette chaire inférieure, objets de désirs malmenés. Malgré cela, Blanche parvient à apprendre qui elle est, et surtout qui était son père, cet homme qui s'avère fascinant. 

Pour tout dire je craignais un peu cette lecture : je connais l'écriture de l'auteur et craignais de ne pas m'y accrocher, après mes orgies de littérature de jeunesse. Mais finalement ce fut simple, envoûtant, et même addictif. Merci d'ailleurs à Marinette d'avoir achevé de me convaincre ! Le style poétique se laisse oublier, comme une petite musique agréable en toile de fond, et on a envie de connaître la suite des aventures de Blanche. J'ai vraiment ressenti cela : la lecture d'une bonne histoire, qu'on a envie de poursuivre et du mal à lâcher, sublimée par un style incomparable. Les mêmes images reviennent régulièrement, les mêmes refrains, les mêmes motifs et personnages, ce qui facilite la lecture. Si le début est déroutant, la suite se lit sans souci, agréablement, fluide comme cette rivière qu'on rencontre dès le premier chapitre, à la fois fascinante et pourtant mortelle. Le roman lui n'a rien de mortifère; nous sommes bien à l'abri derrière nos pages. Mais les personnages le sont moins...

Pour finir sur une dernière note positive, s'il en est besoin vu l'éloge que je me suis efforcée de faire sur ce roman, un petit mot sur la couverture de la version Poche : je l'adore ! Je la trouve magnifique. Elle fait penser à une personne sur un lit de roses, comme un suaire, mais bien vivante, et surtout la tête à l'envers : tout y est. La mort, la vie, la joie, la poésie, et la magie. 

12 commentaires:

  1. Je l'avais noté dès sa publication mais je ne l'ai toujours pas lu. J'avais eu un gros coup de coeur pour Le Domaine des murmures. Ce livre m'avait envoutée, et j'entendais le murmure du personnage en lisant. Tout ce que tu dis sur La terre qui penche, je l'avais trouvé dans du Domaine des murmures, donc tu me donnes envie de renouveler l'expérience en lisant ce roman :)

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    1. Ah tant mieux alors ! J'ai hâte d'avoir ton avis. Avais-tu fait une chronique sur Du Domaine des Murmures ?

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  2. Eh bien, tu as parfaitement réussi à en parler, largement à la hauteur du roman !
    Une belle chronique, qui m'a fait revivre avec plaisir l'histoire de Blanche, qui m'a fait retrouver la force et la poésie de la plume de l'auteure et son décor tellement bien mis en place ♥

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    1. Oh merci tu es adorable !
      Je me demande si je ne vais pas relire Du Domaine des Murmures pour retrouver tout ça moi aussi :)

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  3. J'ai lu ta critique en diagonale, histoire de ne pas me spoiler, mais je suis ravie de voir que tu as aimé! Je n'ai plus qu'à m'y mettre!

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  4. Je n'ai lu que ta conclusion, car il y a de fortes chances pour que je le lise. Je ne connais pas cet auteur, mais Du domaine des murmures est dans ma PAL, et vu les éloges que j'ai pu lire à son sujet, je ne m'arrêterai sans doute pas à cette seule lecture !

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    1. Tu as raison, il faut se lancer. Son style est déroutant au début, puis on s'y fait, et finalement on adore !!

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  5. Je trouve la couverture jolie mais je trouve qu'elle ne va pas bien avec le roman. J'ai vraiment adoré, je me suis totalement laissée happer par cette lecture. Je crois que j'aime tout ce que fait Carole Martinez, mon préféré étant peut-être Du domaine des murmures.

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    1. Justement je trouve que la couverture est pas mal, même si le lien n'est pas direct. En tout cas elle est jolie c'est sûr !
      Est-ce que tu sais si elle a écrit d'autres textes avant ces romans ?

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  6. J'ai éprouvé le même coup de coeur que toi à la lecture de ce roman. Carole Martinez me plaît de plus en plus.
    C'est marrant ce que tu dis sur la peur de ne pas réussir à lire un livre avec une plume exigeante. Je trouve aussi que trop de lectures jeunesse d'un coup nécessite un temps pour se réadapter à des livres qui mettent l'accent sur la forme.

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    1. Complètement d'accord ! Mais j'ai finalement réussi :p

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