mardi 5 mars 2013

La série télé entre vos mains


Doggy Bag saison 1, Philippe Djian

Cela fait longtemps que ces livres sont dans ma bibliothèque, mais je ne m’y étais pas encore lancée. Une série de bouquins à la manière d’une série télé, cela me laissait septique… N’en voit-on pas assez à longueur de journée, sur tous les écrans, dans toutes les langues, et de toutes qualités ? On zappe d’images en images, au rythme de nos envies, mais également au rythme de ces « soap » qui enchaînent les épisodes, les répliques cinglantes, les archétypes.
Mais finalement, ayant besoin de légèreté dans mes lectures en cette période de vacances (l’esprit a besoin de repos aussi !) je me suis lancée dans le premier opus, que j’avais emmené, avec une certaine perspicacité, dans ma valise.

En dépit de nombreuses critiques négatives que j’ai pu lire à son propos, le Doggy Bag de Djian n’est pas si mauvais. Même s’il est vrai qu’on peut le prendre pour une espèce de mic-mac de restes de ses autres livres, il n’a pas conservé que les plus bas morceaux, et a agrémenté les reliefs de ce Doggy Bag d’une saveur inattendue voire jamais vue.

On retrouve comme toujours énormément de scènes et de pensées sexuelles. Sans cela, ce ne serait pas Djian. Les femmes ont encore et toujours une place à part, celle qui éveille les plus ardents désirs mais qui console et réconforte. Celle qui est frustrée aussi par les hommes, qui finalement semblent toujours essayer de mener le monde par le bout de leur… . Bref, vous avez compris.
L’histoire en elle-même n’a rien de transcendant, et s’inspire clairement des séries télé américaines : deux frères, propriétaires d’un garage, entretiennent des liaisons ici et là, jusqu’au jour où Edith, l’amour de leurs 20 ans, refait irruption dans leur vie. Raz de marée en jupes courtes, elle bouleverse littéralement l’équilibre de l’entourage des deux frères. Bon, en trois lignes, voilà le résumé.

Toutefois je vous ai parlé de saveur inattendue, et vais essayer de vous persuader que je n’ai pas menti. Sous couvert de ces clichés, Djian réalise un véritable tout de force littéraire en nous proposant ce qui s’apparente à un mélange salé de scénario et de vaudeville. En effet, tout s’enchaîne à une vitesse phénoménale. Les répliques fusent, les personnages se croisent et se décroisent, les paragraphes s’enchaînent voire se déchaînent. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché puisqu’au sein d’un même paragraphe il n’est pas rare de passer d’un lieu à un autre, d’un évènement à un autre, d’un frère à l’autre, enfin voilà. Et ce qu’il y a de remarquable, c’est que tout s’enchaîne sans que le soufflé s’écrase, et surtout sans qu’on en perde le fil. Je n’ai finalement au aucun mal à m’y retrouver (en plus, Djian dresse la liste des protagonistes en début d’ouvrages, tel un dramaturge, et c’est véritablement ce qu’il est ici !). Je pense qu’une fois qu’on a accepté de se faire trimbaler à ce rythme effréné, on ne peut que suivre, ou tout abandonner.

Il est vrai qu'ici Djian ne fait pas de la grande littérature ni un récit inoubliable, mais que la forme de ces romans est à couper le souffle (dans les deux sens du terme). Oubliées les descriptions, oubliés les personnages fouillés. On entre dans les pensées, on pénètre dans les maisons, on espionne les scènes les plus intimes mais sans s’y attarder, sans prendre le temps de comprendre réellement ce qui nous arrive. On est loin loin loin du roman balzacien ; on est face à la modernité littéraire, celle qui s’imprègne du monde dans lequel on vit, de sa vitesse, de sa culture, de son besoin de divertissement. Djian nous divertit, à 100 à l’heure, comme dans une montagne russe qui parfois donne mal au cœur mais nous laisse toujours un sourire un peu béat aux lèvres.
Je ne sais pas si je vous ai convaincus mais en tout cas, pour ma part, je pense bien continuer la série !

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